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L’accusation de déni de démocratie, symptôme d’une souveraineté populaire devenue introuvable

Histoire d’une notion. S’il est une notion qui semble résumer le climat politique français des dernières années, c’est bien celle-ci. L’utilisation récurrente de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution par le gouvernement d’Elisabeth Borne ? « Un véritable déni de démocratie », avait dénoncé l’intersyndicale en lutte contre la réforme des retraites en mars 2023. La mise en place d’un « barrage républicain » contre le Rassemblement national (RN) avant les élections législatives ? Un « déni démocratique », selon le député (RN) de Moselle Laurent Jacobelli en juillet 2024. La nomination de Michel Barnier, membre des Républicains, au poste de premier ministre ? « Un déni de démocratie », selon Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise.
S’il est attendu que les forces d’opposition… s’opposent à la politique menée par le pouvoir en place, la fréquence et la spécificité de cette dénonciation interrogent. Le fait que le recours à cette expression soit devenu exponentiel depuis les années 2000 peut en effet surprendre, étant donné que les citoyens ont, depuis 2022, été appelés aux urnes cinq fois – et donc à s’exprimer directement.
Pourquoi, dès lors, parle-t-on de « déni de démocratie » ? L’expression elle-même semble recouvrir une diversité de situations, et prendre un sens différent selon le contexte dans lequel elle est utilisée. « Elle vise à dénoncer le fait qu’un gouvernement mène une politique qui ne répond pas aux aspirations du “peuple”, explique Albert Ogien, directeur de recherches au CNRS et enseignant à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Lorsque cette dénonciation concerne des régimes totalitaires, comme en Iran, en Biélorussie, en Corée du Nord, en Chine et ailleurs, elle semble aller de soi : c’est presque une tautologie de dire qu’un régime autoritaire s’assied sur la volonté de la population. »
Les choses se corsent en revanche quand l’accusation est lancée dans des régimes démocratiques, qui admettent l’expression de la souveraineté populaire en organisant des élections transparentes, et en se pliant à leurs résultats.
Le « déni de démocratie » est alors souvent employé pour dénoncer un écart entre l’action des gouvernants élus et la volonté de la majorité des citoyens qui les a portés au pouvoir : « Cette notion implique l’irrespect d’une expression populaire, qu’elle ait été exprimée directement, par les citoyens eux-mêmes, ou indirectement, par leurs représentants ; soit parce qu’elle n’est pas suivie d’effets, soit parce que des mesures allant à l’encontre même de cette volonté sont adoptées, relève Chloë Geynet-Dussauze, maîtresse de conférences en droit public. C’est finalement la dénonciation d’une trahison par le pouvoir d’une promesse tacite faite aux représentés, à savoir celle du respect de certaines règles non écrites du jeu institutionnel. En cela, le déni de démocratie peut être perçu comme une atteinte au fair-play démocratique. »
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